"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Mars 2014

Autre punk : Copé

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Le bruit de la révolution résonnant depuis l’Ukraine. D’aucuns, de la droite dite républicaine jusqu’à l’extrême-gauche, se pincent le nez et font la fine bouche. Cette révolution-là ne serait pas tout à fait politiquement correcte, puisque s’y mêleraient, de ci de là, quelques groupuscules d’extrême-droite. Ces fins observateurs qui ne voyaient, il y a trois semaines, rien d’autres que des « troubles » à Kiev (quand bien même ce mouvement populaire de longue durée devait, à l’évidence, conduire soit au renversement de Viktor Ianoukovitch et de son régime corrompu soit à un véritable bain de sang), ces borgnes se pensant rois au pays des aveugles, n’ont désormais plus d’autre alternative que de, uno, reconnaître l’aspect révolutionnaire du mouvement, secundo essayer de minorer sa portée. Ce qui ne sera pas une mince affaire, vu la réaction de Poutine, autrement surnommé Pou-Pout’-les-pectoraux, lequel est à un cheveu de déclencher une guerre mondiale tant le dégoûte, l’écœure et l’effare le spectre d’une révolution menée par le peuple lui-même. Le seul fait que Poutine montre ses muscles et ses chars d’assaut suffirait à prouver la légitimité de cette révolution.  
     Cependant, il aura fallu quatre mois à ces politicards et autres salonards dénués de tout sens analytique pour admettre qu’en Ukraine se déroulait non pas un « affrontement » avec « risques de guerre civile », mais une révolution issue du peuple, voulue par lui. Encore n’y souscrivent-ils qu’une fois mis devant le fait accompli, un président en fuite, une assemblée défaite, les palais de l’ancien pouvoir envahi par la foule et la nomination d’un gouvernement provisoire, en attendant la Constituante. C’est que le constat ne peut être que lourd de conséquences : les mêmes qui, hier, expliquaient que les révolutions arabes avaient pour origine un contexte spécifique, politique et géographique, sont contraints aujourd’hui d’admettre qu’un mouvement populaire finalement assez proche de ceux qui balayèrent Tunisie, Egypte et Lybie, vient de pareillement réussir dans un pays se situant en plein cœur de l’Europe. Au cœur de cette Europe soi-disant « pacifiée » où les peuples, rendus atones croyaient-ils, étaient de long temps placés dans l’incapacité de se soulever et, finalement, de l’emporter sur un appareil d’Etat, quel que soit sa nature. D’où : stupéfaction, incompréhension, et bêtise. « Oui mais l’Ukraine, c’est l’Ukraine », nous explique-t-on à longueur d’ondes. Spécificité, là encore, qui ferait que ce qui se passe à Kiev ne saurait se produire à Londres, à Madrid, à Paris ?
     Les mêmes fins « observateurs » dont la spécialité semble tenir en ce qu’ils ne voient jamais rien venir, tomberont de l’armoire quand Paris, Londres, Madrid seront pareillement le théâtre où s’exprimera, en actes, la colère populaire.            
     Tandis que la police de Kiev tirait à balles réelles sur les manifestants (75 morts en deux jours… Des gens seraient-ils encore capable de mourir pour la liberté ? Il faut croire que oui, s’étonnent nos observateurs), les Pussy Riot, elles, libérées avant les JO, se rendaient en douce à Sotchi, pour une intervention nommée « Poutine va vous apprendre à aimer la mère patrie. » Après que les deux Pussy présentes se soient fait matraquées par des cosaques (on rêve…) et bien casser la gueule par eux, elles ont été arrêtées, « brièvement » nous dit-on. Ouf. Pas de retour en camp de travail ? Ça viendra, quand les caméras de l’occident « apaisé » seront rangées dans les camions. D’ici là, gloire à elles au plus haut des cieux de l’anarcho-punk déluré !
 
     Autres cieux, autre punk : Copé. Car comment ne pas dénommer ainsi l’agité de l’Ump, lequel se trémousse sur tous les fronts ? Après nous avoir gratifié d’un happening qui restera dans les mémoires (« la maîtresse… à poil, le voisin, à poil !... Papa à poil, maman à poil ! »), le voilà qui nous rejoue la grande scène du six, pris la main dans le pot-de-vin : « Depuis quelques jours, ma personne, mes proches sont l'objet d'une véritable chasse à l’homme », a-t-il estimé, avant de dénoncer des «méthodes dignes de l’Inquisition », dont se seraient rendus coupables des «Tartuffe bouffis d'orgueil», ou une «vendetta» qui le mènerait au «bûcher médiatique». Bigre. Mais où sont les bûches, le petit bois, les allumettes ? Où sont les instruments de torture « dignes de l’Inquisition », si ce n’est dans la tête de ce grand malade ne supportant pas d’être suspecté de magouilles ? Copé, où la continuité de cette tradition toute française de l’impunité garantie, de l’immunité de salon. D’autres malfaiteurs et bidouilleurs auraient fait le choix du silence. Pas Copé, cet ultrasensible. Tout le blesse, tout !, à l’instar de tous les mégalo.
 
     Et pendant que ce pauvre diable gémissait sur son pauvre sort, ses amis du Medef s’apprêtaient à tout bonnement supprimer le régime des intermittents du spectacle. Trop cher, trop d’abus, la rengaine… Que les abus en question soient l’œuvre, pour une grande part, des patrons de l’audiovisuel ou des grosses boîtes de production ne semble pas déranger plus que ça le Medef. Que soit jetés dans le même sac l’animatrice de chaîne câblée touchant 6000 euros mensuels au titre d’intermittente et le saxophoniste de jazz galérant pour trois cachets ne les interpelle pas davantage. Trop chers, trop peu rentables, pas assez… Y en a-t-il, parmi vous, pour douter encore que le monde de l’entreprise, de l’argent facile, de la bourse, soit l’ennemi de la culture ?
     Dans l’univers même  de la culture, on trouve de furieux adversaires au régime des intermittents : ainsi, lors de la toujours funeste et dormitive cérémonie des Césars, pas un seul artiste présent, récompensé ou non, ne trouva une fraction de minute pour signaler ce scandale évident, et la mort programmée de la création de proximité. Pas un, pas une. Ils s’en tamponnent le coquillard, eux sont sorti de là, ce n’est plus leur problème. Conclusion : cette bande de cons aux egos surdimensionnés sont juste en train de se tirer une balle dans le pied. Sans intermittents, pas de théâtre. Pas de cinéma. Pas de concerts. Point, malheureusement, final.
     Dans ce pays gouverné par une « gauche libérale»  (le bel oxymoron que voilà), dans cette France rance aux relents de pétainisme revendiqué, de FN policé et de « manif pour tous », règne une certaine logique qui autorise à lier rejet du culturel et rejet des populations : selon un rapport de la LDH (ligue des droits de l’homme), l’état a procédé en 2013 à deux fois plus d’évacuations de campements Roms que l’année précédente. Autant le terme « d’évacuation » lequel implique une solution de relogement, est douteux, autant il convient de retenir que sous le règne de Hollande-Valls, et d’une année sur l’autre, les destructions de campements ont simplement doublé, affectant 20 000 personnes sur la seule année 2013. Selon les auteurs du rapport, « ces évacuations forcées sont l’expression d’une politique de rejet des Roms, qui a empiré sous la gauche. »  CQFD.
     Quel lien, me direz-vous ? Il est à mon sens évident. Quand un pays décide de mettre à bas des pans entiers de la création vivante au prétexte qu’elle est jugée, selon le patronat et ses critères, « trop chère », il ne faut pas s’étonner que l’état, de son côté, rejette certaines populations et ses apports éventuels. Les normes qui président à ces décisions ne sont plus désormais que d’ordre économique, saupoudrées d’un zeste de racialisme lequel autorise, par exemple, le ministre de l’intérieur à décréter une fois pour toutes que les Roms ne sont pas « intégrables ».
     Et c’est ainsi que, sur les ruines de ce qui fut naguère une terre d’accueil pour tous, prolifèrent les quenelles de Dieudonné et consorts, et les nationalismes de droite comme de gauche. Le pire est assurément qu’il est déjà trop tard pour pleurer.
 
                                                                                                 Frédo Ladrisse.   

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