"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Janvier 2012

Sarko et Vanzetti : asphyxie mécanique

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Le Maître du Château en son show, livrant sa vision du logement, de sa politique idoine : « quand on a une maison, hein, on a des enfants. » N’est-t-elle pas assez réductrice, la présidentielle sentence ? A croire que non, comme le foutriquet s’obstine, qui cite à en choper des crampes de langue l’exemple de la Prusse impériale, à propos de tout et de rien, « r‘gardez, hein, r’gardez, ça marche en Allemagne, et pourquoi que ça marcherait pô chez nous ? » C’est ce qu’on nomme une vision, une philosophie : un programme. Plus tard, le même qui confiait il y a peu vouloir « disparaître » si il n’était pas réélu, « vous n’entendrez plus parler de moi »,… l’homme fortement talonneté qui avouait se voir assez bien « commencer la semaine le mardi et la finir le jeudi », n’en entendait pas moins, avant de disparaître, schlaguer ce peuple ingrat et lui faire définitivement passer le goût des 35 heures. Ce n’est pas nouveau, chez les rentiers, cette passion pour le travail des autres. Subsiste néanmoins un souci, érigé au milieu du gué telle une barricade lourdement ferraillée : en France, comme en Allemagne, le peuple a perdu, de long temps, l’envie de s’échiner : « il y a, sur ce sujet, un problème d’acceptation sociale », susurre entre ses crocs notre dominical chacal. Curieux, comme des phrases ne voulant rien dire peuvent parfois résonner comme autant de menaces.
 

      Première pause, au milieu du foin : cette parole d’auditrice, lors d’une émission consacrée à Pierre Bourdieu : « on dit souvent qu’il parle pour ceux qui n’ont pas de voix, pour les dominés, mais c’est faux. Bourdieu parle pour ceux qui n’ont pas d’oreilles, il parle aux dominants, il leur dit : on sait ce que vous faites, on vous voit. »

      Effectivement, on les voit. Et nous ne perdons pas une miette de leurs agissements prédateurs, de leurs doigts jamais repus raclant le fond de nos poches dans l’espoir d’y gratter l’éventuelle ultime piécette de 10 centimes d’euro. Ainsi, nous regardons EDF, leur création, leur monstre, accumuler les gains et cependant promettre une hausse de 30 %, rien de moins !, de ses tarifs, d’ici à 2016. Les raisons avancées? La hausse du coût du nucléaire, faute à l’Autorité de Sureté qui eut l’audace, la chienne, de demander quelques travaux aux alentours des centrales. Quoi d’autre ? « La perte du triple A d’EDF », explique, sans rire, la direction. Une perte qui obligerait cet ancien service public, devenu entreprise privée, à emprunter à des taux plus importants, « ce qui ne manquera pas d’impacter le consommateur. » Comme en termes choisis, n’est-ce pas, ces saloperies sont dites. Dans le même temps, on apprend que 800 milliards d’euros émanant de contribuables français se planqueraient, insidieusement, dans quelques paradis fiscaux. Un chiffre à rapprocher de celui de la dette publique, 150 milliards. De l’argent il y en a, on vous dit ! Mieux : on sait où le trouver. Ne reste plus qu’à aller le chercher, qu’est-ce qu’on attend, qu’est-ce qui nous manque ? Rien, si ce n’est le courage.
 

     Seconde pause hors purin, puisque nous parlons de courage : le souvenir d’Annie Ernaux qui, questionnée en 2002 par Télérama sur le mode « pour vous, être de gauche, qu’est-ce que ça veut dire aujourd’hui ? », eut cette réponse, claire et tranchante comme la lame de sa pensée : « être de gauche, aujourd’hui, c’est surtout, SURTOUT, ne pas voter PS. » Dix ans plus tard, parions que sa réponse serait inchangée.

      Dix ans après son père c’est au tour de Marine Le Pen de frayer avec le second tour. Qu’elle fraye ne saurait nous effrayer, c’est aux poings, c’est au sang et au corps-à-corps dans la rue que s’il le faut nous la combattrons. Qu’on se contente, pour l’heure, de relever l’étrange silence qui suivit ses déclarations concernant le planning familial, « centre d’incitation à l’avortement » selon elle, et sa proposition de dérembourser l’iVG, puisque « l’avortement est quelque chose que l’on peut éviter, après tout. » Après, quoi ? Rien. Nada. Nulle réaction digne de ce nom du côté des partis dits de gouvernement, trop occupés à s’empailler sur le taux d’intérêt majoré des surcotes CAC40tées ou pas, et autres survoltants sujets de la plus essentielle importance. Fi ! Le Pen peut aller jusqu’à promettre, si elle était élue, d’abroger la loi Veil, pas un de ces amphitryons n’a cru bon de réagir. Vous dites ? Société de mâles abêtis? C’est encore trop gentil, les filles.
 

      Troisième pause, et respiration : on demandait l’autre fois à Josiane Balasko si, dans l’actualité récente, quelque chose l’avait fait rire. « Oui, Jeanne d’Arc », a-t-elle répondu. Et d’expliquer le comique qu’il y avait pour elle à voir les uns, les autres, se précipiter au chevet de la pucelle d’Orléans, pucelle dont ils n’avaient, foncièrement et très logiquement, rien à tamponner il y a cinq années en arrière. Désormais ça se bouscule au portillon de ses chausses, tous semblent prêts à les baiser malgré la putrescence fascistoïde qu’exhalent les chaussettes de la donzelle. Seulement voilà « Jeanne d’Arc appartient à tous les Français », a balancé, sans se marrer, Harlem Désir, du PS. De gauche comme de droite, le nationalisme est à tous !

      Droit à l’avortement, crimes policiers, même combat, dans la mesure où ni l’un l’autre ne semblent devoir constituer des sujets de campagne. Pourtant à Grasse, à Clermont-Ferrand et ailleurs, les flics continuent de tuer, en toute impunité. Ainsi le jeune Hakim eut la malchance de mourir d’une, je cite, « asphyxie mécanique consécutive à une compression thoracique. » Qu’en termes choisis, etc… Autrement dit le flic est « simplement » resté assis sur lui, de longues minutes et en public, alors qu’Hakim était à terre, menotté par l’arrière. Peine de mort appliquée, en somme, par anticipation. Dans une agence bancaire, Où Hakim s’était rendu pour quémander 20 euros. On lui a refusé le retrait, il a pété un plomb. Aussi est-ce bien naturellement que le procureur a requis, à l’égard des sept (sept !) policiers impliqués, des peines de sursis. Un coup de règle en bois sur les doigts, avant qu’ils ne récupèrent leurs armes, et retournent à leurs sales besognes. Y-a-t-il meilleur encouragement aux tirs sans sommation ? Il y en a un autre : cinq ans que les cowboys de banlieue, que les baqueux de tous poils se savent autorisés au pire. Mais voilà que ça branle dans le manche du Sarkozystan-pour-mille-ans. Si Hollande passe, finie, la chasse aux sans pap’ et aux Roms, se disent les Sarkoboys sanglés en leur bel uniforme (lequel, faut-il leur dire ? les effémine un tantinet). Du coup les fous se lâchent, et voient des Vanzetti partout. Il paraît donc urgent de leur rappeler que si le PS, par extraordinaire, revenait aux affaires, non seulement il ne condamnerait pas mais, mieux encore, encouragerait les méthodes de ces malades du flingage.
 

     Dernière pause, ceci : « si on vous lit, les journalistes seraient tous des crétins et des branleurs », lance, ulcérée, la dame dans la radio. « Oui, je souscris tout à fait », répond Michel Onfray. Il se trouve que la dame dans la radio est, bien entendue, journaliste, alors la voilà qui s’étrangle : « mais c’est pas un peu fasciste, ça ? » Onfray garde son calme : « c’est une bande de crétins. » La preuve par l’exemple, en somme. Quels branleurs, ces journalistes.

                                                                                          Fredo Ladrisse.


Christine et les gorilles


Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? A Domrémy cette semaine, vinrent ahaner les Preux du Sarkozistan-pour-mille-ans, plaçant guêtres et escarpins en les pas de la Sainte Pucelle — bonheur de voir la Morano en l’occase entonner, goulue, « en passant par la Lorraine, oh ohoho », avec ses gros sabots et opinant du chef telle une truie avinée. Morano : nous y reviendrons. Restons un temps sur la pucelle et, à l’instar d’un Sarkozy venu en ce patelin moins pour entendre des voix que pour en pêcher quelques unes, chantons les louanges de la Jeanne : « la première résistante française » serait aussi, selon lui, « la plus connue de par le monde de toutes les Françaises. » Un bref sondage auprès de mon voisin malien suffit à établir qu’il semble que ce soit plutôt Josiane Balasko : faux !, rétorque mon voisin russe, c’est Cécile de France — laquelle comme chacun sait, est Belge. Bref, on y serait encore si, à quelques heures de distance, n’avait tonné dans le ciel clément de ce mois de janvier bizarre l’annonce selon laquelle Marine Le Pen approcherait, dans un sondage, les 30% d’intention de vote. Fichtre. C’était dans Libé. Ventre Saint-Gris, adieu pucelle, et Hallali-lalère, sus au FN ! Seulement voilà, tourneguidouille : à le renifler de plus près ce sondage-ci sentait fort le coquin, à comme ça accumuler les « oui, je voterai Le Pen », avec les « oui, probablement », et avec les, surtout, « non, probablement non », interprétés arnaqueusement comme autant de oui possibles, certes on obtenait au final les 30% qui font peur et qui font les gros titres, mais le procédé se révélait largement capillotracté. Enorme est ce tour de passe-passe, et c’est peu dire que Libé ferait bien de se remettre à faire un peu de journalisme, plutôt que d’agiter ses épouvantails de papiers censés pousser le troupeau vers le vote dit utile. D’autant qu’il n’y a jamais de vote que futile. Oyé.

     Cependant, catacataclop, toute autruche qu’on soit en ce soyeux plumage, on cavale derrière ces tordus et pas un jour n’expire sans que ne nous soit livré son lot de billevesées. Jeudi, c’est Morano, en visite dans son bled de mort: « regardez, dans cette pizzeria on fait des pizzas DSK, des pizzas spécifiques, à base, hihi, de béchamel. » On comprend que la Nadine, quand elle se fait épingler par Sophia Aram, se permette de lui rétorquer « vous vous dites humoriste, eh bien, vous ne faites rire personne ! » C’est qu’en matière d’humour, la Morano est une puissance ! Le crime commit par Aram ? S’être permis de dire que la Nadine était vulgaire. Or, « populaire ne veut pas dire vulgaire, madame. » Elle n’est pas que vulgaire, celle que d’aucuns se plaisent à surnommer l’aigre Nadine —comme la boisson, hihi : en matière de QI, elle est également très en dessous d’un sèche-cheveux au repos. Un exemple, de plus ? Sur twitter, ceci : « je tape plus vite que mes doigts, mais je corrige aussi vite que ma pensée. » Et inversement, ça donne quoi?

     Plus tard, c’est encore Morano qu’on trouva à la charge, quand il se murmura de-ci de-là que Hollande — c’est le candidat socialiste à l’élection présidentielle — avait traité Sarko de sale mec. C’était pas terrible, pas mordant, même pas insultant, contrairement à un certain « casse-toi pov’con », pas tombé dans les oubliettes. Pourtant, de ce « sale mec », la Nadine s’en étrangla, pour la forme et en live sur les chaînes de téloche, manque de respect envers son seigneur et maître et tout le binz, et il fallut attendre qu’elle pousse le ridicule jusqu’à exiger des excuses de la part de Hollande — c’est le candidat socialiste — pour que les cadors de l’Ump viennent eux-mêmes la calmer, lui faire son shoot de naphtaline.

     Mais c’est terrible, la politique : à peine Morano s’était-elle endormi sur ses deux narines qu’une autre de ces harpies, assoiffées d’urne et de bulletins de vote, s’éveillait, et donnait du groin. Boutin ! Christine ! Nul pieu sacré ni gousse (d’ail) ne put jamais venir à bout de la fromagère des Carpates ! Elle est là, debout, bien en chair, elle suce (votre sang) pour pas cher ! Surtout, elle est, comme naguère, impayable, incorrigiblement rétrograde et nuisible. Lors d’un débat sur la famille, cette engeance lâcha: « comme responsable politique, je sais que l’intérêt supérieur de l’Etat est d’assurer la pérennité de cet Etat. » Hum hum, et donc ? Et donc, « cette pérennité se fait par la naissance des enfants, or aucun accouplement entre homosexuels ne donnera naissance à un enfant. » Ici, une pause. Le temps de noter que pour Boutin les homosexuels s’accouplent, comme les animaux, en somme. Seuls les hétéros seraient susceptibles de faire l’amour ? C’est entendu, mon bon Gringoire. Une pause également afin de bien renifler cette bouse, qui lui sert d’argument contre le mariage homo. Car, pour Boutin qui nous revient d’un voyage à travers le temps, mariage égal enfant. Homo égal pas d’enfant, donc homo égal pas mariage. CQFD, ma bonne, retournez z’en cuisine. Une pause, enfin, pour ceci : aux copains/copines nanars qui se demandent comment en finir avec l’Etat, Boutin livre sa solution : n’engendrez plus, les filles, les gars ! De cette façon l’Etat, et du même coup Boutin, devraient finir par disparaître.

     Cessons-là, cependant, toute pornographie. Il y a en effet plus grave en cette vallée de larmes et Sodome, il y a la Culture, oui madame. Car la culture, c’est le diable invité à table ! Aussi est-ce non sans courage que Christine Boutin, dite « la pucelle de Grey-lès-Vesoul », Christine, de son vrai nom Wiki Christine Marcelle Valérie Cécile Marie Boutin, née Martin comme Arthur et les cuisines du même topo, que Christine, donc, enfourcha Rocco, son fidèle destrier, et s’en alla pourfendre la sorcière socialiste qui lui faisait face lors du débat : « vous, vous êtes pour une construction culturelle du mariage et de la famille, moi je souhaite le respect de la nature. » Et toc. Calmée, la gauchiste ! Qu’il nous soit néanmoins permis de rappeler à Christine Marcelle Valérie et à toutes leurs frangines que l’opposition nature/culture n’est plus qu’une resucée de catéchisme mal dégluti, qu’elle ne tient pas la route une nanoseconde, et qu’il leur suffira, pour s’en convaincre tout à fait, de parcourir l’excellent livre paru en 2009 et titré « la sexualité animale », édition du Pommier. On y apprend que, « de la couleuvre jarretière à flancs rouges jusqu’aux oies cendrées », ça copule, ça copule, ça partouze dans nos forêts, en nos gazons, partout ! Tandis que les dauphins chopent des tortues dont ils se servent comme autant de « dauphines gonflables », les girafes s’accouplent entre mâles et le scarabée japonais, incapable de faire la différence entre mâles et femelles, monte les unes et les autres, selon ce qui se présente. Si on observe de près un agrégat de charançons, on verra que « les mâles montent les femelles, que les femelles montent les mâles, que les mâles se montent entre eux et que femelles ou mâles montent les couples déjà formés ». Et pendant que nos amis les gorilles des montagnes s’enculent à qui mieux-mieux, libellules et blattes pratiquent une sexualité collective débridée à faire pâlir le plus aguerri des clients du Carlton de Lille. « Respect de la nature », nous dit Christine, née Martin. Ok, mais vire ton slip, je vois arriver les gorilles.

                                                                                                 Frédo Ladrisse.

  

Les dents changent : lapinisation des esprits

Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Furent-ils gâtés les gosses, les marmots et les chiards lors du passage du vieux barbu polymorphe pédovore? Ont-ils dégoulinés au pied du sempiternel sapin, ces jouets stupides, hideux, mauvais, fausses kalachnikov pour futurs braquo, gazinières plus vraie que nature pour femmes/foyer à venir ? Bien entendu, faut faire plaisir. On a raclé les poches pour les beaux yeux des mioches, avant que de lâcher l’ultime bifetaille pour le 31, ses huîtres, son crémant, moroses comme un électeur. Depuis nous voilà secs, laminés, repassés, sans un sou. C’est qu’on sait pas gérer le pognon qu’on a pas, voilà le souci, monsieur le banquier. Mais que les écureuils et autres succursales que d’aucuns pensent « populaires » soient rassurés d’emblée : nos enfants ne nous ressembleront pas, qui sauront, eux, jongler entre PEL, PEP, placements divers, assurances vie, s’égaieront au matin au son de la liturgie délivrée par les places boursières, éprouveront joie, plaisir et grâce à l’annonce d’un Nasdaq bondissant de 0,2% : les banques, encore elles, s’y emploient, au premier rang desquelles la Société dite Générale, avec son castor débile agitant sa queue sur ceci :www.abcbanque.fr, faites un tour sur cette engeance, vous comprendrez de quoi je cause et, à n’en pas douter, choperez la rage pour l’année. « Comprendre l’argent en s’amusant : la banque à partir de 6 ans », dit le bandeau du site. Pfff… Six ans, c’est bien trop âgé, c’est aux fœtus qu’il conviendrait d’apprendre les vertus d’un placement approprié! Ainsi verrions-nous, en l’espace d’une génération, s’épandre le modèle dominant du capitalisme de papy, en même temps que s’éteindraient les ultimes velléités de le voir un jour brouter le parquet. Lapinisation des esprits : les dents changent, et s’aiguisent.     
     Cependant, vous savez comment sont les gosses : on aura beau leur inculquer, dès leurs plus jeunes années, les valeurs de l’économie de marché, certains s’entêteront dans leur volonté de devenir et de rester pauvres. L’exemple, détestable, que n’auront pas manqué de leur donner leurs géniteurs les inclineront aux carrières sombres, sales et imbéciles, garagistes, caissières, fabricants de chevaux de bois, gendarmes mobiles ou non, pire encore : D.R.H. Caissière, dites-vous ? Parlons-en. Dans un de ces ciné-nanards dont seule la fin d’année semble avoir le secret, « les tribulations d’une caissière » pour ne pas le nommer, on apprend que, non content d’avoir enfin retrouvé la septième compagnie, de s’être lancé aux trousses du père Noël, cette ordure, cette catégorie de la population appelée habituellement « caissières » se régale au boulot de cocasseries exemplaires, dont l’autruche ne dira rien pour ne pas déflorer ce  sommet du septième art. Caissière elle-même, la pouffe à l’origine du bouquin dont fut tiré le film — « pouffe », c’est exagéré selon vous ? C’est que, tout comme moi, vous n’avez pas vu le film —, cette pétasse, donc, avouait l’autre jour sur les ondes « espérer qu’avec ce film les gens comprendraient qu’on est pas que des machines. » Non, pas que. Lapinisation des esprits.
     Mais dans cette vie comme elle va —mal—, il n’y a pas que des lapins. Il y a des chasseurs, aussi. Des furieux, des malades, à l’instar du brigadier-chef Christophe, baqueux de Seine Saint-Denis, se répandant dans un Fig’ Mag’ titrant finement en Une « dans l’enfer du 9.3 ». Parce qu’ici, là où je vis, là où vivent plus d’un million et demi de personnes, il faut le savoir : c’est « l’enfer ». « La Seine saint-Denis, c’est de la bombe », commence notre graveleux brigadier. Plus loin, il livre une vision monochrome d’un département qui serait comme « le vaste terrain de nos opérations. » Réserviste de l’armée de terre (« dans les forces spéciales », précise le gars, qui se la pète), Chri-Chri a le cerveau d’un serin, la pogne d’un gorille des montagnes, l’intelligence d’une noix de cajou. Kaboul ou Bobigny, pour lui, même latitude, même combat. Et celui qui se décrit avec fierté comme « un vrai BAC-Man » (haha), précise que « prendre son service, c’est à chaque fois partir en guerre. C’est une guérilla urbaine. On fait la guerre à un ennemi invisible.» Personne, évidemment, n’est là pour calmer not’guerrier, et lui dire, au cui-cui, que si l’ennemi est invisible c’est peut-être qu’il n’y en a pas. Où sont les chars, trouduc, où est le Front, l’armée d’en face ? Où sont tes batailles, pauvre mec ? C’est aux pauvres que tu mènes une guerre, piétaille milicienne, et sans même avoir saisi qu’une guerre sans ennemi est, à l’avance, perdue. « Ma formation au sein de l’armée me sert énormément sur le terrain des banlieues : savoir progresser en milieu hostile, sécuriser un périmètre, ne jamais laisser un des nôtres seul,… » Voilà le genre de personnages qu’on envoie « patrouiller » et guerroyer dans les quartiers, pour ensuite s’étonner que certaines situations finissent par dégénérer. Notez, il y aurait plus simple : pourquoi ne pas bombarder directement la Seine Saint-Denis ? Lapinisation des esprits.
     On pourrait demander conseil aux militaires égyptiens : l’armée, là-bas, est au pouvoir depuis de longs mois, et le peuple qui vise à s’en débarrasser ne reçoit cette fois le soutien d’aucun BHL de foire d’empoigne, puisqu’une dictature militaire succédant au long règne d’Hamid Bourguiba parait convenir parfaitement aux démocraties d’occident. Au Caire, place Tarir, on continue donc de mourir. Et quand un général égyptien qualifie les manifestants d’ « enfants des rues qui mériteraient d’être jetés dans les fours crématoires d’Hitler », pas une des grandes gueules ayant appelé au pilonnage des villes de Lybie ne semble, cette fois, s’émouvoir. Lapinisation des esprits ?
     Pour finir, rions un peu avec le césium 137: tandis qu’autour de Fukushima se multiplient thyroïdes enflées, saignements de nez, diarrhées, asthmes, conjonctivites et pneumonies (notamment chez les jeunes enfants),tandis que la contamination s’étend, selon les autorités, sur une zone grande comme la Bretagne ; tandis que des centaines de milliers de personnes demeurent bloqués là-bas faute de moyens financiers leur permettant d’évacuer, la société Tepco vient de préciser que « les matériaux radioactifs qui ont été disséminés par le réacteur n°1 et sont retombés au sol appartiennent aux propriétaires des terres, et non plus à Tepco. » Humour noir ? Même pas. Bonne année.

 
                                                                                            Frédo Ladrisse.                                         
                                           
                                               
 

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