"Hommes/femmes politiques, journalistes au petit pied, philosophes du dimanche ou stars à la ramasse: tous sèment des perles de bêtise, sans se douter que, dans l'ombre, l'autruche les note, les commente, s'en gausse, et recrache le tout sur ce blog."

Quand Jean-Louis Trintignant s’efface (misère d’en Avignon)

Je n’aime pas le théâtre, ce lieu « où les acteurs hurlent », selon le mot de Godard (que j’aime). Je n’aime pas Avignon, bourgade prétentieuse écrasée de soleil mais sans l’ombre d’un port, d’une mer, d’un bateau qui console. Un soleil de ville, quoi, un soleil inutile, un soleil d’embouteillage. Ce jour, certains programmateurs de festival-on-y-danse — tous en rond et comme on y tourne —  ont nourri  davantage cette détestation, générale, du théâtre, et plus encore celle du théâtre joué en Avignon. Les faits : ces blaireaux patentés n’ont rien trouvé de mieux qu’inviter Jean-LouisTrintignant à se produire sur scène, et, parallèlement, le meurtrier de sa fille Marie. Cantat, et sa guitare. Cantat, qui viendra claquer trois accords sur Sophocle, qu’on plaint. Cantat, et son lot de cadavres comme autant de boulets traînés mais qui, selon toutes vraisemblances, sont légers à ses pieds. Cantat le cogneur, Cantat le défonceur des gueules sans défense, Cantat qui, au sortir de tôle, laisse son ancienne compagne par ailleurs mère de ses enfants, se pendre par un beau dimanche tandis que lui, paisible, dort dans la pièce à côté. Cantat le monstre ? Non, un triple connard, et paisible, c’est tout.
      J’entends d’ici la meute des cantatinophiles, la plupart de sexe féminin et inscrites sur la page facebook « bertrantétrobowoua » : il a payé sa dette, a fait son temps de prison, oué. Il a droit a une seconde chance, oué oué. Et pis, il est trop beau de la mort qui tue. De la mort, qui tue, justement : personnellement je n’aime pas plus la prison qu’Avignon, ou le théâtre, c’est dire. Mais je n’aime rien moins que les petits bourges bordelais au premier rang desquels Cantat, de ceux qui se la pètent à fond alors qu’ils ne sont que bouffons, de ceux, évidemment, arborant sur t-shirt  l’effigie de Guevara au prétexte qu’ils ont eu l’audace de voter Jospin en 2002. Cantat, je l’ai vu en concert lorsqu’il était chanteur de ce groupe anecdotique à la réputation totalement surfaite, Noir Plaisir, c’est ça ? Ou un nom de café, comme ça. Ils étaient, sur scène, à pleurer de rire ces petits guignols franchouilleux se prenant au sérieux. Un quintal de groupies trempées suffisait à leur faire accroire que, ça y est, ils étaient rockers. Maintenant que Cantat le fossoyeur a définitivement coulé le groupe à groupies de Bordeaux (ceci est une contrepèterie), il est certes un peu tard pour délivrer la vérité : dans l’histoire du rock, Noir Désir n’est qu’un pet tout hexagonal et encore : malodorant. Dans l’histoire du rock, il n’y a pas l’ombre d’un genre d’anomalie nommée « groupe de rock français » — à l’exception, bien entendu, des Wampas, mais c’est autre chose : eux ont inventé le rock’n roll.
      Revenons en Avignon : des goitreux, des malades, des producteurs d’abricots ont donc décidé de réunir, en le même bourg, le père de Marie et le meurtrier d’icelle. Visaient-ils, ces tordus, le scoop en page people, le cliché hyper bankable de la réconciliation ? Pfff… Bien entendu, il ne saurait s’agir de cela, mais rien ne nous empêchera de soupçonner ces troués d’avoir vu, là, la bonne occase pour faire parler du festival, de leur petit caca annuel. C’est pas rien de bouffer des noix de coco toute l’année, mais quand on en chie des Bounty faut que la presse en parle !
      Enervée, l’autruche ? Une paille. Hors d’elle et du trou, oui ! Car au final c’est Trintignant, c’est Jean-Louis Trintignant : 50 ans de cinéma, de scène, de voix donnée aux textes, 50 ans face caméra ou sur planches, 50 ans de bonheurs offerts sans rien demander en échange, qui décida de s’effacer. De s’en aller. De lâcher l’affaire. Une idée qui ne serait pas venue à Cantat-le-cogneur, Cantat le boucher bordelais, lequel, de cette façon, conchie le père après que d’avoir exécuté la fille. « J’ai payé ma dette », gnagnagna... Un minimum de pudeur commanderait à Cantat de renoncer, à son tour, à son passage en Avignon, ne serait-ce que pour éviter de réactiver, chez le père qu’il a privé de fille, d’ineffables chagrins. Tout porte à croire, à l’heure actuelle, que Cantat-le-bourreau s’en tamponne le coquillard. Le cachet avant tout, n’est-ce pas, et puis Avignon, merde alors !, pour un raté c’est quelque chose…    La pudeur, comme à l’habitude, elle est du côté de Trintignant. Simple communiqué : « je ne peux pas accepter de dire des poèmes lors du festival, alors que Bertrand Cantat va s’y produire. » Et d’ajouter, comme pour lui-même : « je ne comprends pas cet homme. »     
       Est-il utile de préciser que nous ne le comprenons pas non plus, que nous avons renoncé, depuis longtemps, à le comprendre ? Qu’il aille donc, libre comme l’air vicié et chargé de benzène se dégageant autour de lui, ouvrir un magasin de farces et attrape-nigauds face à la gare de Vierzon. Mais par pitié qu’il disparaisse du champ médiatico-merdeux, qu’il ose une discrétion qui, si elle ne lui est pas naturelle, me paraît à moi minimale !
 
                                                                                       Frédo Ladrisse.

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